CHRONIQUE / REVIEW

CD

 

Il était une fois un musicien très talentueux.  Il habitait sur une île lointaine où les habitants souhaitaient s’isoler encore plus, imaginez!  Il compensait son handicap visuel, il est aveugle depuis la tendre enfance, par la communication musicale. Talentueux? Oh que oui, car PETER JONES, c’est son nom, est un multi-instrumentiste doué.  Il excelle aux claviers, aux guitares et il joue aussi de la clarinette, de la flute à bec, des percussions, du l’ukulélé et de la batterie électronique. Souvent, me direz-vous, ces multi-instrumentistes n’ont pas les plus belles voix. Mais tel n’est pas le cas, M. JONES qui a une jolie voix, une voix chaleureuse, juste et qui sait transmettre les émotions. Si vous ajoutez ses talents de compositeur et de producteur, vous comprenez ce que je veux dire par talentueux.  Si ce que je viens d’écrire ne suffit pas, ANDY LATIMER, un autre musicien talentueux de la même île, a fait appel à lui comme claviériste et saxophoniste pour ce magnifique groupe qu’est CAMEL.  Il rejoint donc un club de claviéristes doués qui ont contribué à la musique d’un des grands groupes de l’histoire du prog, notamment PETER BARDENS, DAVE SINCLAIR, TON SHERPENZEEL, KIT WATKINS et GUY LEBLANC. Pour offrir sa musique aux oreilles, au cœur et à l’âme des amateurs de musique progressive, il a choisi le nom très artistique de TIGER MOTH TALES.

 

Alors qu’il n’était qu’un enfant, PETER raffolait des histoires de HANS CHRISTIAN ANDERSEN, auteur, entre autres, de « La reine des neiges », « La petite Poucette », « La petite sirène » et « Le vilain petit canard ». Il aimait aussi beaucoup A.A. MILNE et son « Winnie l’ourson ».  Pour le quatrième album studio de TIGER MOTH TALES (il existe aussi un live) il a choisi de mettre quelques contes en musique. Comme souvent les bonnes histoires ont des suites, son « Storytellers Part II » est une continuité des contes musicaux amorcés en 2015 avec l’album « Storytellers Part I » qui mettait l’accent sur « La belle au bois dormant ».  Il faut donc aussi écouter et comprendre ces albums avec nos yeux et notre cœur d’enfant.  Cela suffit-il à ce que toutes ces histoires musicales finissent bien?  C’est ce que nous allons voir.  L’album commence en douceur et de belle façon avec « Best Friends », une pièce somme toute assez simple où la guitare sèche et le piano mettent en valeur la voix de PETER qui, comme je le disais, est vraiment un atout pour ses compositions.  La pièce se termine sur un doux solo de guitare électrique très inspiré de GENESIS.  « Kai’s Journey », l’instrumental qui suit, est aussi fort réjouissant.  C’est une pièce plus électrique avec quelques riffs musclés où les claviers et la guitare électrique s’imposent.  La très enjouée « Toad of Toad Hall » est tirée du « Vent dans les saules » de A.A. MILNE et met en vedette un crapaud au volant qui se croit le roi de la route. Le tempo rapide, le synthétiseur et quelques effets sonores confèrent à cette pièce le côté festif souvent associé aux contes pour enfants et cela fonctionne magnifiquement. La suivante est aussi un instrumental joué au piano et à la clarinette. Nous accompagnons PETER et Winnie l’ourson dans une ballade au cœur de la forêt des rêves bleus. Il se dégage de cette douce pièce un charme un peu vieillot.  C’est très beau et très réussi.

 

Pour « Eternity », je serai le vilain personnage qu’on retrouve aussi dans les histoires enfantines. Il s’agit d’un duo où deux belles voix se rencontrent. La deuxième est celle d’EMMA FRIEND. Cependant, j’ai beau avoir utilisé mon cœur d’enfant mais cette doucereuse ballade serait plus à propos sur la bande sonore d’un film de DISNEY ou sur l’album d’une vedette pop que sur disque de musique progressive. Heureusement, « The Boy Who Cried Wolf » remet les pendules à l’heure et le mariage de la voix de Jones et de la guitare électrique font des merveilles. Il nous y offre un solo des plus inspiré en plus de transmettre la crainte du loup via des notes bien choisies.  Pour « Three Little Pigs », je reprends mon déguisement de vilain. Je veux bien comprendre l’humour du texte et le contexte d’histoires pour enfant mais une chanson qu’on pourrait entendre à SESAME STREET ou dans une émission pour enfants, avec voix à la CHIPMUNKS en prime, ça ne passe pas.  Heureusement, la très puissante et excellente « The Palace » replace notre cœur progressif au bon endroit. C’est un hommage avoué au grand STEVE HACKETT et elle pourrait fort bien faire partie des bonnes pièces de son répertoire.  Si PETER avait été accompagné d’un bon batteur, nous aurions un résultat complètement génial.  En effet, l’utilisation de la batterie électronique est un petit reproche que je fais au projet TIGER MOTH TALES.  Sur certaines pièces cela fonctionne bien alors que sur d’autres beaucoup moins.  Mais, sauf pour certains contextes musicaux, cela ne remplace qu’imparfaitement la contribution d’un vrai batteur.  L’avant-dernière pièce, « Match Girl », est une ballade au piano tout à fait réussie où la voix touchante et émouvante de PETER JONES transmet bien la tristesse et la fragilité de la petite fille aux allumettes. L’album se termine avec une courte reprise de « Best Friends » agrémentée d’un bon solo de guitare. Comme vous le voyez les amis, on ne peut pas dire tout est bien qui finit bien car deux des pièces ne seront pas au goût de tous et la rythmique pourrait bénéficier de quelques coups de baguettes…magiques. Cependant, les nombreuses qualités de notre musicien conteur et de ses compositions font que « Storytellers Part II » s’écoute néanmoins avec plaisir.