CHRONIQUE / REVIEW

CD

Prenez l’histoire d’un philosophe, poète, mathématicien et théoricien cosmologique italien du seizième siècle. Ajoutez-y dix-huit musiciens qui jouent de la flute, du saxophone, des claviers de toutes sortes, des guitares variées et même des cloches tubulaires. Parmi ceux-ci, assurez-vous d’avoir DAVID JACKSON (VDGG et collaborations multiples), SONJA KRISTINA (CURVED AIR), RICHARD SINCLAIR (CARAVAN, HATFIELD AND THE NORTH, CAMEL) et MAARTIN ALLCOCK (JETHRO TULL). Confier le graphisme de la magnifique pochette de l’album, double sur vinyle) à ED UNITSKY (THE TANGENT, THE FLOWER KINGS, UNITOPIA, SAMURAI OF PROG, etc.). Les chances sont excellentes que vous ayez entre les mains un opéra prog. Le libre penseur dont il est question dans les quelques soixante-douze minutes de musique est GIORDANO BRUNO qui a donné son nom à cet album et, incidemment, est mort brûlé vif sur un bûcher dressé par l’Inquisition et ce, à cause de ses pensées jugées hérétiques. Son destin spécial l’a mis en présence d’HENRI III, roi de France, ou de SHAKESPEARE par exemple.

​

Nous devons cette oeuvre majeure au groupe O.A.K. ou OSCILLAZIONI ALCHEMICO KREATIVE qui a été formé en 1993 par le chanteur et multi-instrumentiste JERRY CUTILLO. En Italie, il est connu pour ses recherches sur la musique ethnique, en tant que compositeur à la télévision et également pour sa passion et ses hommages à JETHRO TULL via un album paru en 2001 ainsi que lors de nombreux spectacles. CUTILLO mentionne que la composition du groupe est très flexible et offre un large éventail de possibilités. D'une formule en duo jusqu’à cinq musiciens, voire même avec des invités pour des concerts particuliers. Ainsi, en 2012, O.A.K. a joué un répertoire composé de ses propres pièces, de CARAVAN, de JETHRO TULL et d’HADFIED AND THE NORTH accompagné de RICHARD SINCLAIR ET MARTIN ALLCOOCK, et ce n’est qu’un exemple. JONATHAN NOYCE et GLEN CORNICK ont aussi collaboré avec lui pour des projets passés. La filière JETHRO TULL est importante pour ce musicien et fait partie des influences assumées que l’on retrouve sur l’excellent album GIORDANO BRUNO, le huitième du groupe. Les pièces « Angela senza ali » et « The globe », notamment, auraient pu se retrouver sur « Minstrel in the gallery ». Le jeu de flute de JERRY CUTILLO, excellent au demeurant, évoque aussi celui d’IAN ANDERSON sans pour autant être servilement similaire.

​

Nous avons donc ici un album italien qui est un opéra prog où l’on retrouve quatre langues, italien, allemand, anglais et latin, et où l’histoire est racontée pièce par pièce dans la pochette aussi en quatre langues, dont le japonais. Un album qui est un produit bichonné et superbe, doté d’une pochette artistique d’une part, et, d’autre part, où la création musicale enchante les oreilles grâce à des musiciens inspirés. Un tel album ne peut que plaire aux amateurs de prog. JERRY CUTILLO possède un indéniable talent de compositeur. La seule pièce qui n’est pas de son inspiration est une adaptation de la « Danse macabre » de SAINT-SAENS. Le jeu de flute de CUTILLO est enchanteur sur cette pièce qui m’a fait un peu penser au « Grimineli`s Lament » de IAN ANDERSON sur « Rupi`s dance ». On dit opéra mais le chant sur GIORDANO BRUNO n’a rien d’opératique si ce n’est pour quelques secondes ici et là, notamment sur « Diana/Morgana » où VALENTINA CIAFFAGLIONE complète le chant de SONJA KRISTINA pour une superbe chanson en douceur et en symphonie. Le chant en quatre langues n’est jamais envahissant et la plupart du temps fort beau. Je pense ici à « Sandali Rossi » où la voix d’ANGELA TRINITY évoque un peu KATE BUSH. Je pense aussi à la très belle collaboration de RICHARD SINCLAIR sur « Dreams of Mandragora ». De plus, six des quatorze pièces sont instrumentales, ce qui permet d’apprécier le jeu des musiciens. Encore ici, certaines brillent particulièrement dont la pièce d’ouverture, « Campo dè fiori », où les claviers supportés par une rythmique solide campent un décor grandiose et engageant, toute une entrée en matière. J’ai bien aimé aussi « La cena delle beffe » au rythme un peu funky avec le jeu d’orgue à la BOOKER T. JONES qui s’insère très bien dans l’ensemble. « Un valzer per il Mocenigo » de son côté offre une très belle performance de flute de CUTILLO. Aucun doute, ce monsieur est très talentueux. J’ai mentionné quelques collaborateurs sur cet album, je ne peux donc pas passer sous silence l’apport de DAVID JACKSON dont le jeu caractéristique de saxophone sur cinq pièces ajoute à la musique une petite tonalité VDGG et un peu de piment qui relève fort bien la sauce. Un autre joyau s’ajoute donc à la couronne progressive italienne. Mais il y a un bémol! Pour obtenir la version CD, il faut se procurer l’album double en vinyle. Un investissement significatif si on ne souhaite pas avoir une simple version numérique. Néanmoins, GIORDANO BRUNO est un des bons albums de l’année et constitue un très bel ajout à une collection.